Mars/Avril

Samedi 6 mars, 1h07
Le temps file, l’année se réduit à rien en écriture. Je devrais cesser cette sérénade en vase clos, éviter le ridicule d’un inintérêt définitif. Ne plus faire que de rares apparitions pour quelques vrais ressentis.
Ainsi la mort de Nougaro, apprise hier, qui laisse quelques perles majeures de la chanson française… Avec son Armstrong, il figurait parmi les interprètes que je tentais d’imiter vocalement en 1985 (et dont il reste une cassette enregistrée sous la direction technique de mon père à Eragny-sur-Oise). Quelle distance !

Retour progressif à un semblant d’écriture.

Mercredi 17 mars, 22h50
Le terrorisme s’affirme comme la plaie ouverte du XXIe siècle. Finalement, rien que de très conforme à la nature humaine. La semaine dernière, à l’occasion d’une rencontre baballistique entre l’Olympique lyonnais et un club espagnol (je crois !), des supporters de ce dernier ont arpenté les rues toute la journée. Vers 13h, passant sous les fenêtres de l’immeuble de Forpro en gueulant quelques chants patriotiques, je vois les auditeurs en formation par alternance se précipiter aux fenêtres pour insulter, cracher et s’exciter comme autant de tristes pitres. Comment ne pas songer à cette masse de décérébrés prêts à la barbarie gratuite ? Quelle différence fondamentale avec les fous de dieu ? Question de conditionnement primaire et non de nature.
Vendredi, départ pour un court séjour à Fontès, où nous retrouverons, outre ma grand-mère, maman et Jean, ainsi que Jim et Aurélia, et sans doute l’oncle Paul. De joyeux instants en perspective et une douceur pour ma grand-mère qui subit de plus en plus un physique en déclin.

Jeudi 25 mars, 23h40
De retour d’une petite sortie culinaire, dans la pure tradition lyonnaise, pour l’anniversaire de ma BB. Dans le vieux quartier désormais retenu pour le patrimoine de l’humanité, un petit bouchon aux plats goûteux et au Morgon morgonnant… Le temps d’un bon moment où la polémique a eu ses instants sur des sujets hétéroclites, mais avant tout politiques.
Quelle sérénité de vie : asséchant pour l’écriture, mais ô combien équilibrant pour le psychisme.

Samedi 3 avril
8h06. Dans le dodo, avec ma BB nue à mes côtés, le bras reposant sur mon bas ventre… Des instants de calme, de douceur enveloppante, après la frénésie de la semaine, ne se boudent pas. Le son de Chet Baker, Duke Ellington et Count Basie, mis en aléatoire sur ma chaîne, et tous les sens se trouvent comblés. Le crissement de ma plume ajoute un rythme feutré à la mélodie de ces géants du jazz.
En France, Raffarin III est né (« mort-né » ironisent certains) après la déroute des régionales. Le balancier électoral résume notre démocratie où chacun s’essaye à l’exégèse des scrutins. Jacques Chirac, en lâchant quelques centaines de millions d’euros (mais pouvait-il faire autrement sans s’attirer des foudres beaucoup plus incendiaires que celles ayant suivi son intervention télévisée ?), a renoué avec la voie de l’endettement inconsidéré du pays.
Pas la faute aux politiques, en fait, mais aux multiples catégories, communautés socioprofessionnelles qui réclament leur gros bout de gras sans considérer la situation globale des finances et encore moins la projection catastrophique dans le temps. Résultat : ce sont leurs propres enfants et petits-enfants qui en subiront les désagréments, et peut-être même qui se verront privés des systèmes protecteurs auxquels le peuple adulte du présent tient tant.
Hier soir, un hommage à Pompidou, trente ans après son décès. Sa prescience des facteurs qui devaient compter, après son passage, l’a poussé à déclarer, en pleine période des Trente Glorieuses (qu’il verra s’achever brutalement sous sa présidence) que l’emploi serait à considérer comme un problème permanent, non traitable définitivement, mais que l’on devrait accompagner pour en atténuer les conséquences.
Autre image saisissante du personnage : lors de son dernier Conseil des ministres, le visage gonflé par son traitement, il confie à l’assemblée (alors que le sujet était tabou, y compris dans la presse) qu’il « souffre comme un damné ». Le contraste entre les responsabilités considérables assumées et le tiraillement constant de souffrances atroces qui vous inclinent à l’abandon, mérite le respect posthume de l’homme d’Etat : Mitterrand en fut un autre.
En Irak, la barbarie s’épanouit. Dernière ignominie médiatisée : l’incendie d’un véhicule chargé d’Américains, l’acharnement sur les corps calcinés, traînés encore fumants dans les rues de Falloudja et pendus à l’armature d’un pont pour une morbide exposition. L’antiaméricanisme d’esprits conditionnés en France est tel que j’ai entendu certains de mes auditeurs en BTS, lors d’un débat, excuser l’intolérable au nom de la loi du Talion. Triste constat d’une humanité bestiale durablement stagnante dans son intelligence morale.

Lundi 5 avril, 0h40
Juste avant la reprise de l’infernal tourbillon professionnel, pensée terrifiée pour les dix ans de la tuerie systématisée des Tutsis par des Hutus sanguinaires. Le témoignage désaffectivé des anciens chasseurs barbares, libérés pour cause de pseudo réconciliation nationale, répugne jusqu’à la nausée. Ces Africains ont, en tout cas, démontré qu’ils n’avaient nul besoin des blancs pour hypothéquer leur avenir. Triste humanité…


Samedi 17 avril, 23h45
Départ ce matin de mon père et de sa petite famille, après une étape à Lyon, pour le Sud. Alex et Raph toujours aussi vifs (et parfois un peu trop remuants à mon goût), grandissent et se forgent leur personnalité respective.


Lundi 19 avril, 0h30
Toujours dans l’aménagement de la pièce principale. Chaque construction dans ce lieu me libère un peu plus du monde de Heïm, lequel m’a d’ailleurs laissé un message il y a une dizaine de jours, me demandant de le rappeler, si j’en avais l’envie. Eh bien justement non ! Plus une once ! L’effondrement de cet univers, sans renier le passé, s’impose à moi, naturellement.


Jeudi 22 avril
Les temps actuels renoueraient-ils avec l’absurde ? Après le renvoi en Algérie de l’imam de Vénissieux qui a défendu, dans Lyon Mag, la légitimité religieuse de battre une femme qui trompe son mari, une seule voix politique s’insurge contre cette mesure de délit d’opinion : celle de Le Pen ! L’extrême droite en sympathie avec les arabes islamistes, voilà qui laisse songeur sur la notion d’opportunisme… Ces barbus ben ladénistes qui invitent, pour des conférences, des sympathisants nationalistes et chrétiens : cela ressemble à des rapprochements de circonstances où l’hypocrisie des rapports doit prédominer, pour ne retenir que les quelques domaines partagés.

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