Mai

Samedi 1er mai, 8h20
L’Europe à vingt-cinq s’offre en exemple au reste du monde. Privilégiés les 420 millions de personnes qui forment désormais la plus importante zone de libre échange. Les festivités de cet agrandissement donnent l’espoir d’un havre européen de paix, malgré les rampants coups de boutoir des Al Qaïda and Cie qui voudraient faire vaciller cet ensemble. Cela me donne presque envie de voter aux prochaines élections pour participer (symboliquement !) à cette construction humaniste.
Rares sont les cas de grands ensembles constitués sans le joint du sang répandu : c’est là la source d’une solide légitimité de l’Union européenne qui devrait se pérenniser. Si la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie rejoindront la maison européenne bientôt, et ce sans qu’on y trouve à redire, le cas turc fait débat.


La géographie, la culture, et plus prosaïquement la taille, contribuent à repousser définitivement sa candidature, même si la Turquie devient un jour exemplaire en matière de respect des droits de l’homme. Pour y avoir séjourné quelques jours, je sais qu’elle n’appartient pas à l’ensemble occidental, et ce malgré l’impératif laïc imposé par Ataturk au pays.
Une intégration européenne serait un non sens historique, géographique et culturel et conduirait peut-être à l’implosion de ce qui a mis des décennies à s’édifier. Alors pas de blague complaisante ou d’improvisation artificielle au nom de seules motivations économiques, car ce serait l’arrêt de mort de cette si belle idée en marche.
Encore quelques sous dépensés pour l’aménagement de la grand’ pièce… un bien être croissant qui m’incline à la discrétion littéraire.



Mardi 4 mai, 23h50
Juste avant la période de sommeil nécessaire, une petite digression scripturale. Ma BB entame sa période de travail nocturne, ce qui va rendre nos instants partagés plus épars. cette optique. Reste à assumer financièrement…
J’ai repris, ce week-end, la saisie de ce Journal à taire, année 2001 : l’été qui verra mon dernier passage au château d’Au. Aurais-je l’envie de faire une visite éclair à Heïm en août 2005, pour ses soixante ans ? J’en doute, mais j’effectuerais peut-être ce passage exprès en hommage aux instants d’exception vécus.
En fin d’après-midi, après ma séance bruyante de CMC au BP03, verre partagé avec quelques auditeurs de BTS à une semaine des premières épreuves. Quelques personnalités motivées (comme Karine L. ou David J.) qui rassurent sur l’utilité de nos interventions pédagogiques.



Jeudi 6 mai, 0h40
Une tendre pensée pour ma grand-mère dont l’état physique et psychique se dégrade de jour en jour. Maman me prévient de cette triste situation, si je souhaite la voir encore une fois. L’image dégradée d’une personne aimée n’est peut-être pas la meilleure démarche… Je préfère l’honorer dans mon cœur en gardant un schéma intègre, même si affaibli, de sa personne. Me reste vivace son indéfectible soutien, sa gentillesse de tous les instants, son pétillement renouvelé qui ont rendu plus chatoyants mes séjours à Fontès dans mon enfance tourmentée. Quel contraste entre sa retraite hyperactive et cette fin clouée dans sa chambrette de La Providence. L’impitoyable temps se rappelle à nous brutalement, et le dérisoire s’impose.



Mardi 11 mai, 23h20
Comme pour toute guerre, le lot de dérives barbares n’a pas déserté le bourbier irakien. Croire à l’angélisme philanthropique de cent pour cent des troupes engagées relève de la naïveté primaire. Plus nouveau : l’implication de femmes militaires dans les mises en scène humiliantes de prisonniers irakiens confirme le degré d’avancement de l’égalité professionnelle entre les sexes ! En tout cas de sombres crétins criminels contre leur pays ceux qui se sont adonnés à ces jeux morbides. Ils servent tout simplement la cause des islamistes intégristes qui fustigent le mode de vie dépravé des occidentaux.
Des geôles infâmantes à la formation en alternance : aucun lien apparent, mais une même facilité à être édifié sur l’espèce humaine. Pitoyable !

Jeudi 13 mai, 23h10
Je renonce à une sortie improvisée au Saint Louis, pour rester sagement au lit sans ma BB, avec les Mémoires d’espoir de Charles de Gaulle.
L’armée américaine va-t-elle se faire exploser toute seule, sans l’appoint des extrémistes islamistes ? La surenchère iconographique (films et photos pris par ses ouailles) anéantit toute sortie dans la dignité et réserve de terribles représailles aux relents barbares comme la décapitation filmée de l’otage américain accessible sur Internet.


Vendredi 14 mai, tard
Vers 18h, appel flûté aux Bisons de Heïm. Témoignage exacerbé de son amour pour moi, entrecoupé de digressions sur la vie et nos directions antinomiques. Je reste comme son meilleur « ami », « copain », celui « qui le connaît le mieux ». Il approuve sans réserve mes choix, y compris celui de ne jamais lui présenter ma compagne, mon éventuel enfant… Ce besoin de m’appeler ? Une pensée envahissante, sur son tracteur dans le parc, avec un chagrin remontant dans l’arrière gorge de ne plus m’avoir à ses côtés. Emouvant à entendre, quelle que soit la teneur polémique de ces pages pour marquer la rupture avec son univers. Comme je le lui ai précisé, je ne renie rien du passé partagé à ses côtés, et je regrette de ne plus me nourrir de sa profusion intellectuelle, mais nos divergences existentielles sont, à jamais, trop ancrées. Resteront ces manifestations sporadiques, de son côté, lorsque l’enivrement nostalgique le poussera vers ces instants extrêmes partagés.
Peut-être envisagerais-je de passer en coup de vent au château d’Au (accompagné de Shue, si elle accepte) pour ses soixante ans, en août 2005.
Partagé entre l’envie de retrouver, pour un moment d’exception, l’affection démonstrative de cette singulière personnalité, et la méfiance des dérives habituelles lors des prolongements dînatoires.

Samedi 15 mai
Dans l’église Saint-Antoine de Gerland, pour une représentation de trois chorales, dont celle de BB, en faveur des enfants d’Haïti. Au lieu de l’habituel appel à la générosité des spectateurs, un tarif d’entrée de quinze euros est exigé des visiteurs. Pas sûr que cela favorise la salle comble.
Les parents de BB assistent au concert, puis repartent demain vers Arles. Retour la semaine prochaine, pour huit jours d’habillage de lambris du dernier mur de la pièce principale.
Répétition au sein du lieu où le son s’ouvre vers les hauteurs saintes. Rien ne vaut une chorale dans une église : l’ampleur y trouve sa voie naturelle.

Mercredi 19 mai, 0h01
Tout seul dans notre chambrette, et peu inspiré. Bruit aérien dans le ciel lyonnais, voilà qui dénote…

Jeudi 20 mai, bientôt 1h
Plutôt bon public pour le cinéma comique, je reviens navré de la séance de Jet Set 2. Comment un réalisateur peut-il cumuler autant d’inconsistances pour la suite d’un film cinglant et rythmé. Une clinquante coquille vide ce second volet, malgré les gesticulations, habituellement efficaces, des Garcia et Sémoun : aucune histoire, des longueurs sur airs de techno et une suite de cordes éculés qui ne déclenchent pas même un sourire. Navet sans appel.
23h15. Délice de journée avec ma BB et la visite, presque surprise (décidée hier) de Liselle et Line. Elles partagent mets, alcools et promenade vers les étangs de Saint-Marcel. Liselle m’apparaît en meilleure forme physique que lors de notre dernière entrevue : elle se voit avec quelques kilos en trop depuis son arrêt des cigarettes. Son histoire sentimentale semble enfin évoluer favorablement vers une vie commune.
Line, plus affinée, n’a toujours pas déniché la symbiose et semble bien assumer ce célibat, se confiant à un Journal (secret) lors de ses baisses de moral. Le trio féminin me convenait parfaitement : l’esprit n’a pas cessé de fuser au cours de cette journée, exception faite du retour, exténué, de la promenade.
Vu, ce soir, le touchant portrait de Lino Ventura enregistré sur Arte. Quelle attachante personnalité s’exhale de tout son être, entre gentillesse, détermination et loyauté. Une vraie épaisseur humaine sans faux-semblant.

Samedi 22 mai, 1h20
Le ballet diplomatique qui a précédé le déclenchement de la guerre en Irak…


Dimanche di 23 mai
Depuis le parc de la Tête d’Or, banc face au lac et au soleil, je goûte la fraîcheur ventée pour tenter un suivi un peu plus consistant de mes analyses.
La complicité des têtes de proue diplomatiques, pour les médias, et l’étripement rhétorique dans les coulisses, qui précédèrent l’explosion guerrière en Irak, ont été synthétisés dans un documentaire captivant. Les figures des de Villepin, Powel, Fischer et autres fournissent eux-mêmes, a posteriori, l’interprétation des situations tendues, des textes soumis et le dévoilement des motivations. La pâte humaine est, là aussi, déterminante.

Dimanche 29 mai, 23h20
Départ ce jour vers Arles pour la sœur de BB, et demain matin vers Le Cellier pour ses parents.
La complicité dans l’action ne se prolonge pas dans l’échange intellectuel. Pour une fois, pas d’accrochage idéologique avec ma BB, mais avec Louise sur le caractère transcendant ou navrant du film Elephant, et avec André sur la gestion socioéconomique du chômage en France, entre autres sujets.
Je ne peux me résoudre à une générosité a priori avec l’espèce humaine. Inciter et responsabiliser les individus permettraient de faire le tri entre les profiteurs du système actuel et les vrais motivés qui ne parviennent pas à se réintégrer (ou réinsérer…). Mon expérience dans la formation professionnelle me confirme la tendance majoritaire à ne jamais se remettre en cause, à dénigrer sans talent, à gros traits décérébrés, les responsables du centre ou leurs supérieurs hiérarchiques au sein de l’entreprise d’accueil. Plaie sociale que ces insignifiances qui se prennent pour autre chose sans jamais rien prouver. Une des conséquences de la culture philanthropique qui materne à coups d’aides sociales des assistés qui, pour une bonne part, se persuadent du caractère inaltérable de ce système en faillite objective.

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